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Service formation et accompagnement pour l'Église protestante unie région parisienne
8 avril 2016

VIVRE LA COMMUNION DANS LA DIVERSITÉ

  VIVRE LA COMMUNION DANS LA DIVERSITÉ

J des CP EPUdF - 09 avril 2016

 

Vivre la communion dans la diversité
Journée de formation pour les conseillers presbytéraux de la Région parisienne - 9 avril 2016
Plan de l’exposé de Didier CROUZET, secrétaire général de l'EPUdF
1. Aux origines de l’Eglise, des communautés pluralistes et solidaires
2. La communion entre les croyants, un don
2.1 Etre tous pécheurs, ça crée des liens !
2.2 La communion, c’est le partage
2.3 La fraternité, l’autre face de la communion
3. Une communion incarnée dans les structures des Eglises issues de la Réforme
3.1 Le sacerdoce universel
3.2 Les ministères dans l’EPUdF
3.3 La collégialité dans l’EPUdF
4. La fraternité, expression de la diversité de l’Eglise
4.1 Un pluralisme assumé de longue date
4.2 Une fraternité, une polyphonie....
4.3 ... Que l’on retrouve dans la Bible
4.4 Interpréter, c’est faire vivre la Parole
5. L’unité dans la diversité réconciliée
5.1 La diversité, un risque et une chance
5.2 Pour cultiver la communion dans la diversité : la soumission mutuelle
Conclusion
Vivre la communion dans la diversité
Journée de formation pour les conseillers presbytéraux RP - 9 avril 2016
Le nom même de notre Eglise illustre le thème qui va nous occuper aujourd’hui. «Eglise protestante unie de France – Communion luthérienne et réformée ». Nous oublions souvent le sous-titre et c’est dommage, car il marque l’identité de notre Eglise : nous sommes des protestants français unis dans une communion marquée par la diversité.
Je vous propose donc un parcours autour de ces thèmes de «communion», que je rapprocherai du terme «fraternité» et de «diversité», que j’associe au terme de «pluralisme». Le parcours sera balisé par quelques repères bibliques, théologiques, ecclésiologiques. Il sera au fond une tentative d’exégèse des paragraphes 3.2 et 3.3 du texte de la décision 30 du synode du Lazaret à Sète.
1. Aux origines de l’Eglise, des communautés pluralistes et solidaires
 Si l’Eglise est l’ensemble de ceux qui sont convoqués par Dieu, elle rassemble inévitablement des personnes d’origines diverses. C’est même une de ses particularités : dès les premières années, les Eglises fondées par l’apôtre Paul se présentent comme des communautés ouvertes et pluralistes.
Des hommes et des femmes de toutes conditions s’y côtoient : esclaves, hommes libres, païens, juifs, riches, pauvres. Ce pluralisme se retrouve également dans la liste de ceux qui entendent parler des grandes œuvres de Dieu dans leur langue à la Pentecôte. Ainsi est marquée la vocation de l’Eglise à rassembler ceux et celles qui viennent d’horizons différents.
«L’Eglise n’est pas la communauté de ceux qui sont de la même espèce, mais elle est celle des étrangers qui ont été appelés par la Parole» (D. Bonhoeffer). L’Eglise du Christ est par essence une Eglise pluraliste, multiculturelle et métissée, composée d’une mosaïque de pensées, de cultures, d’opinions, d’options théologiques.
 L’Eglise est donc un ensemble de communautés pluralistes, mais aussi solidaires. Le texte le plus significatif à cet égard est sans doute cette affirmation adressée aux Galates : «Vous tous, avez été unis au Christ dans le baptême, et vous vous êtes ainsi revêtus de tout ce qu’il nous offre. Il n’importe donc plus que l’on soit juif ou non juif, esclave ou libre, homme ou femme; en effet vous êtes tous un dans la communion avec Jésus-Christ » (Galates 3, 27-28).
 Le baptême brise les cloisonnements sociaux et les discriminations de toutes sortes. Juif ou grec, homme ou femme, esclave ou homme libre, cette identité-là a cessé d’être déterminante. Par le baptême, les chrétiens deviennent fils et filles de Dieu. Ils sont comme frères et sœurs d’une même famille. Les membres de la communauté chrétienne sont appelés à entretenir des relations de fraternité, et les communautés des relations de solidarité (voir l’appel de Paul pour une collecte en faveur des chrétiens de Jérusalem 1 Co 16,1-4).
Fraternité, solidarité : autant de mots pour exprimer la communion qui unit les chrétiens. Ce qui fonde cette communion, c’est le Christ «Vous êtes tous un dans la communion avec Jésus-Christ».
2 La communion entre les croyants, un don
La communion provient donc de la relation que chacun et tous ensemble nous entretenons avec le Christ.
 2.1 Etre tous pécheurs, ça crée des liens ! Je fais avec vous le constat suivant : tous nous sommes indignes de Dieu. Nos défauts, nos limites, nos désirs insatiables nous coupent de nos semblables et nous éloignent de ce que Dieu attend de nous. En langage biblique et théologique, on dira que nous sommes tous pécheurs. Mais le Nouveau Testament nous révèle que tous, nous sommes accueillis par Dieu, de manière inconditionnelle et que c’est Jésus-Christ qui nous révèle cette bonne nouvelle. Tous graciés, tous remis à neuf, chaque jour pour une vie nouvelle telle que Jésus nous y appelle avec ces mots si souvent prononcés: «Je ne te condamne pas. Va, ne pèche plus, suis-moi». Le chrétien est donc à la fois coupable et gracié, perdu et sauvé, tordu et redressé, justifié. Comme le disait Martin Luther, le chrétien est simultanément pécheur et pardonné.
Una autre image pour exprimer cette réalité est celle de la dette. Quels que soient mes efforts pour accomplir la volonté de Dieu, je n’y arriverai pas.
Je serai toujours en dette vis-à-vis de lui. Mais le Christ m’apprend que dans sa bonté, le Seigneur me remet cette dette, gratuitement.
La communion s’enracine dans cette conscience vive que nous sommes tous «pécheurs et pardonnés». Frédéric Rognon, professeur à la faculté de théologie protestante de Strasbourg, remarque que le mot communauté vient du latin « cum-munus», qui signifie littéralement «avec une dette». «La communauté est l’assemblée de ceux qui se reconnaissent endettés. La communauté chrétienne est celle qui vit de la grâce de Dieu, de cette remise de dette fondamentale par l’œuvre du Christ sur la croix» 1.
Pour F. Rognon, il importe que la vie communautaire soit irriguée par la prière, qu’elle trouve en elle sa respiration quotidienne. Car c’est dans la prière en particulier que se nourrit la communion. Il cite le théologien allemand Dietrich Bonhoeffer«Quand je prie pour un frère, je ne peux plus, en dépit de toutes les misères qu’il peut me faire, le condamner ou le haïr. Son visage, qui m’était peut-être étrange et insupportable, se transforme au cours de l’intercession dans le visage du frère pour lequel le Christ est mort, le visage du pécheur gracié. C’est une découverte bienheureuse pour le chrétien qui commence à intercéder pour d’autres. Il n’existe plus d’antipathie, de tension ou de désaccord personnel qui ne puisse être surmonté dans l’intercession, en ce qui nous concerne» 2.
Bonhoeffer poursuit: «Intercéder n’est rien d’autre que la présentation devant Dieu de notre frère en cherchant à le voir sous la croix du Christ, comme un homme pauvre et pécheur qui a besoin de la grâce» 3.
Bonhoeffer nous encourage à ne jamais oublier que dans l’Eglise, il ne saurait y avoir «nous» et «eux». «Nous» : les bons croyants, les purs, les interprètes fidèles des Ecritures et «Eux» : les mécréants, les infidèles, ceux qui lisent la Bible de travers. Dans l’Eglise, «Lui ou elle, c’est moi», « moi, c’est elle et lui». Tous sont pareillement pécheurs et pardonnés. Savoir cela, voilà qui crée des liens de communion. La communion c’est aussi le partage.
2.2 La communion, c’est le partage
Je vous propose un petit détour par le grec, la langue du Nouveau Testament. Le mot que l’on traduit par communion, c’est le mot «koinônia».
Ce terme, qui appartient quasi exclusivement au vocabulaire des épitres, désigne à la fois ce qui lie les croyants au Christ (et à Dieu via le Christ) et ce qui lie les croyants entre eux. Elle manifeste donc une réalité dynamique : la participation à un objectif commun, une coopération active. La koinônia n'a rien d'un lien statique entre deux individus. Elle ne désigne jamais non plus la relation personnelle avec le Christ. Son sens est toujours collectif, communautaire : c'est ensemble qu'il s'agit de vivre en communion avec le Christ, de partager quelque chose : le repas du Seigneur (1Co 10, 16), l'Esprit (2 Co 13, 13; Ph 2, 1), l'Evangile (Ph 1, 5), les souffrances (celles du Christ ecelle de Paul, Ph 3, 10; 4, 14), les biens matériels (Rm 15, 26), une poignée de main (Gal 2, 9). On le voit, notre mot de communion ne rend qu'imparfaitement les réalités très diverses que recouvre le mot grec, à la fois unité à travers le corps et le sang du Christ, sentiments partagés (joie et compassion), projet commun, solidarité financière.
Parmi les nombreux aspects de la koinônia, on peut en dégager trois.
• La koinônia doit se vivre dans les relations de la vie quotidienne. Elle n'est pas qu'une affaire spirituelle.
F. Rognon, « Prier, entre régularité et spontanéité, communauté et intimité » in Protestantisme et vimonastique, p.144 Ed. Olivétan, 2015
Dietrich Bonhoeffer, De la vie communautaire, p 77, cité par F. Rognon p. 139-140
Ibid.
• La koinônia traduit l'unité de l'Eglise. Elle définit le circuit des relations nouvelles qui constituent l'Eglise. Elle fait de la communauté un Evangile vivant. En ce sens elle incarne le Christ. Elle en est la présence. Renforcer la koinônia, c'est donc manifester la vitalité du Christ. Laisser s'établir des divisions au sein des communautés, c'est un contre-témoignage rendu à l'Evangile. C'est pourquoi Paul défend si ardemment l'unité des Eglises qu'il a fondées. Plus les relations sont nombreuses et solides parmi les chrétiens, plus l'Evangile est manifesté. 
• La koinônia est une réalité nouvelle à construire, notamment à travers les Eglises de maison qui étaient la cellule de base du mouvement chrétien.
2.3 La fraternité, l’autre face de la communion
J’ai dit plus haut qu’être chrétien, c’est être sœur, c’est être frère – de Jésus-Christ. La fraternité est un autre mot pour dire «communion». Laurent Schlumberger a développé ce point dans son message au synode du Lazaret. Je le cite. «La fraternité en Christ est une définition de la condition chrétienne. Jésus, le Christ, est celui qui nous introduit dans ce lien-là. Nous ne le décidons pas de nous-mêmes. Nous n’y sommes pour rien. (...) Jésus est celui qui nous apprend à dire, chacun singulièrement et ensemble : notre Père. Et il nous constitue ainsi, devant Dieu, comme ses frères et ses sœurs. Ce lien de fraternité, par Jésus-Christ, entre nous, dit très exactement qui nous sommes (...) Nous sommes enfants d’un même Père, en Christ, et tout le reste est second » 4. La fraternité est l’identité qui nous est donnée. 
La communion est donc d’abord un don reçu de Dieu par l’intermédiaire de Jésus-Christ. Il n’y a pas de condition pour être en communion. Celui qui se sait pécheur et pardonné se trouve ipso facto en communion et en fraternité avec les autres chrétiens. De mon point de vue, aucun préalable n’est nécessaire pour se dire en communion. Celle-ci, tout comme la fraternité, ne nécessite pas une unité de doctrine, de foi ou d’éthique. En ce sens, la communion entre chrétiens ne peut être détruite. Elle est donnée. Pour clore cette deuxième partie, je vous propose de relire le § 3.2 de la décision 30, à la lumière de ce que je viens d’exposer :
▪ « L’Église protestante unie de France confesse que la communion de l’Eglise est don de Dieutoujours à accueillir » = don de la grâce aux pécheurs que nous sommes.
▪ « Elle entend traduire ce don en marchant dans la communion fraternelle telle qu’en témoignent les Écritures » = la koinonia, à vivre, à mettre en œuvre.
▪ « Il ne s’agit ni de confondre la légitime diversité avec une juxtaposition de convictions et de pratiques individuelles (simple pluralité), ni d’assimiler l’unité de l’Église avec l’imposition à tous d’une conviction et d’une pratique uniques (uniformité) » = la communion construit un lien indissoluble entre les croyants, car ce lien c’est le Christ ; pas de condition pour être en communion.
▪ «La communion fraternelle est une manière de vivre ensemble en Église, en valorisant nos différences par l’intérêt que nous leur portons, » = vivre la koinonia dans des communautés pluralistes
▪ « dans la confiance et la gratitude d’être frères et sœurs, enfants divers d’un même Père céleste » = enfants d’un même père, c’est notre identité, et c’est une grâce.
▪ "Ainsi, ouvrir un chemin ensemble, c’est considérer précisément comme une bénédiction le fait que Dieu nous parle aussi à travers nos différences».
Après cette étape biblique et théologique, voyons maintenant comment cette communion s’incarne dans les structures de notre Eglise. Deuxième étape, ecclésiologique.
Laurent Schlumberger, message au Synode du Lazaret, Actes du Synode national 2015, p.140.
3. Une communion incarnée dans la vie des Eglises issues de la Réforme
3.1 Le sacerdoce universel
Cette idée issue de la Réforme du 16ème siècle repose sur trois affirmations : tous égaux, tous laïcs, tous prêtres.
• Tous les chrétiens sont égaux. Il n’existe pas de hiérarchie entre eux, pas de différence de valeur.
• Tous les chrétiens sont des « laïcs ». Il n’existe pas d’hommes ou de femmes intrinsèquement différents des autres, qui de par leur fonction auraient des pouvoirs ou des capacités particulières, pas de clergé ayant autorité.
• Tous, nous sommes «prêtres». Par là, les Réformateurs ont voulu dire que chaque chrétien est chargé d’une responsabilité dans ses engagements ecclésiaux comme dans ses engagements profanes (professionnels, associatif, citoyen, etc.). Chaque membre de l’Eglise est appelé à participer à la mission de l’Eglise : vivre et témoigner de la vie nouvelle reçue en Christ.
Il s’ensuit que dans les Eglises issues de la Réforme, il n’existe pas de magistère, c’est-à-dire pas d’instance supérieure ayant autorité pour déterminer la juste position en matière de foi ou d’éthique, pour dire la Vérité. Chez les protestants, ce qui va définir une position, c’est l’écoute commune de la Parole de Dieu, telle qu’elle se révèle dans les Ecritures. J’y reviendrai.
Toutefois, au sein de cette «prêtrise» commune, Dieu en appelle quelques-uns, hommes et femmes, à exercer un service particulier, c’est-à-dire un ministère, afin de soutenir l’Eglise dans son œuvre de témoignage.
3.2 Les ministères dans l’EPUdF
Dans l’EPUdF, on distingue trois types de ministères.
• Les ministères locaux et régionaux. Les premiers s’exercent au service de la communauté et sous la responsabilité du CP (catéchètes, prédicateurs, visiteurs, responsable de l’entraide, de la musique, des jeunes, etc.). Les « chargés de mission » régionaux sont sous la responsabilité du Conseil régional.
• Les ministères collégiaux (CP, CR, CN)
• Les ministères personnels (pasteurs, aumônier d’hôpital, animateur biblique, etc.). «Personnel» ici ne veut pas dire «solitaire» mais lié à une personne particulière dont l’Eglise a reconnu la vocation et les charismes.
Tous les membres de l’Eglise sont donc appelés, mais pour des services différents. Au sein de l’Eglise, il y a différentes fonctions (ministères), complémentaires et articulées les unes aux autres.
Une image biblique exprime cela, celle du corps humain développée par Paul (1 Co 12 et 14). Les ministères collégiaux sont une des façons dont la communion s’incarne dans la vie de l’Eglise.
3.3 La collégialité dans l’EPUdF
● Elle se vit en particulier au sein du Conseil presbytéral qui exerce collégialement le ministère qui lui est confié.
La collégialité suppose que personne ne défende des intérêts particuliers mais que chacun garde une vue d’ensemble du ministère commun et vise l’objectif essentiel : le témoignage à l’Evangile (brochure CP p. 53).
Le CP exerce donc localement un ministère collégial au service de l’Evangile. Il est également au service de l’Eglise protestante unie. C’est un ministère de l’union.
● «Vous préparerez et appliquerez les décisions des synodes» (liturgie de reconnaissance du ministère du CP). Le CP est le trait d’union, l’interface entre la communauté et les synodes, entre le « local », le « régional », le « national ». A travers les délégués au synode régional, à travers lparticipation de certains de ses membres aux assemblées de consistoire, à des commissions ou à des groupes de travail régional ou national, le CP participe à la vie de l’Union. A travers les avis transmis sur les sujets synodaux, à travers la réception, l’explication, et l’application des décisionsynodales, le CP rend visible l’union. Au moment de l’évaluation d’un ministre ou d’un proposant, le CP exerce son discernement en interaction avec la région et la CDM, qui est une commission de l’Union, élue par le Synode National.
Autrement dit, il n’y a pas de cloisons étanches entre le presbytérien (l’Eglise locale) et le synodal (le «national»), entre le particulier et l’ensemble, mais une interaction constante : les membres du CP ont un ministère de l’union ; les membres du conseil régional et du conseil national sont membres d’une Eglise locale. De même les délégués aux synodes et les membres des commissions synodales. Il n’y a pas ceux «d’en haut» et ceux «d’en bas» : tous nous sommes appelés à exercer le ministère qui nous est confié en interaction, en concertation, en dialogue.
Dans cette première partie de mon exposé, j’ai surtout parlé de communion, de collégialité, de fraternité. Dans une deuxième partie, je voudrais réfléchir à la diversité et au pluralisme valorisé par notre Eglise et par les paragraphes 3.2 et 3.3 de la décision du synode du Lazaret.
4. La fraternité, expression de la diversité de l’Eglise
Comme dans une famille humaine, la fraternité est toujours en équilibre entre unité et diversité. J’aimerais noter tout d’abord que cet équilibre, nous le tenons et nous le vivons dans l’ERF depuis des décennies. On y retrouve toute une palette de sensibilités théologiques et spirituelles qui s’est encore enrichie avec la création de l’EPUdF.
« Il y a dans l’Eglise protestante unie de France des réformés évangéliques, des luthériens tranquilles, des évangéliques classiques, des évangéliques charismatiques, des huguenots de toujours, des nouveaux venus après avoir traversé d’autres Eglises, des méthodistes, des libéraux, des tenants du christianisme social, une poignée d’unitariens, une pincée de pentecôtistes, des favorables au baptême des petits enfants et des défavorables au baptême des petits enfants, des luthériens high Church, des réformés main line, des farouches, des prudents, beaucoup qui se moquent de tout ça » 5. Nous sommes de fait une Eglise pluraliste. Mais que signifie ce pluralisme au-delà d’une juxtaposition d’étiquettes ?
4.1 Un pluralisme assumé de longue date
La réflexion sur la diversité et le pluralisme dans l’Eglise ne date pas d’aujourd’hui. Le Synode national de l’Eglise réformée de France qui s’est tenu à Pau en 1971 a reçu les conclusions du groupe de travail sur la recherche théologique sur le thème : « Pour une Eglise et des paroisses pluralistes » 6. Ce groupe avait été mis en place à la suite du Synode de Royan en 1968, dans une période de bouleversement social qui a aussi touché l’ERF, puisqu’entre 1968 et 1971, ont été créées les grandes régions (8 au lieu de 14), l’IPT (réforme des études de théologie), le Defap et le Cevaa (changement de paradigme pour la mission). Dans ce brassage des idées et ces remises en cause des structures, le Conseil national avait mandaté un groupe pour réfléchir sur la recherche théologique. Le texte commence ainsi : «Toute Eglise qui se réclame de l’Evangile devrait être pluraliste pour la simple raison que personne au monde ne peut dire ce qu’est exactement l’Evangile». Il constate que «nous sommes incapables de donner de l’Evangile uninterprétation qui rallie toutes les bonnes volontés dans un consensus absolument unanime».
Ce constat étant posé, le texte aborde trois questions: Quand est-on authentiquement pluraliste? Quelle est la portée pratique du pluralisme? Quelle est l’unité de l’Eglise pluraliste?
• Quand est-on authentiquement pluraliste ? Lorsque l’on a conscience de la relativité de ses propres opinions. Ce qui ne veut pas dire que le chrétien pluraliste est indécis, mou dans ses convictions, encore moins sceptique. C’est celui qui a des convictions fermes, qui est prêt à les défendre, qui cherche à les faire partager, mais qui parle en « Je ». Le pluraliste peut (et même doit dire) «Tel est, à mon sens, le contenu de l’Evangile et ce qui s’en écarte sensiblement n’est pas, à mon avis, le pur Evangile».
Laurent Schlumberger, message au Synode du Lazaret, Actes du Synode national 2015, p.140.
Actes du Synode national de Pau, 1971, pages 104-107
L’essentiel, dans cette phrase, ce sont les expressions « à mon sens », « à mon avis ». Ces mots fondent le pluralisme. En les prononçant, « j’admets que d’autres puissent avoir un point de vue différent et aussi absolu que le mien l’est pour moi, pourvu qu’ils disent eux aussi « à mon sens », « à mon avis » (...) Le pluralisme, c’est l’union paradoxale de l’absolu et du relativisme ».
• Quelle est alors la portée pratique du pluralisme? Le texte se demande quels membres une Eglise pluraliste doit accepter. D’abord, elle exclut a priori tout critère doctrinal ou moral et elle accepte toute personne qui se réclame de l’Evangile. Mais elle doit refuser ceux qui refusent le pluralisme, que le texte nomme «les sectaires». Le sectaire est celui qui fait de sa lecture des textes bibliques un absolu, qui veut imposer sa grille d’interprétation. Le sectaire ne prononce jamais les mots « à mon sens », « selon mon jugement ». «Il est un perpétuel intenteur de procès en hérésie».
• Quelle est l’unité de l’Eglise pluraliste ? Cette unité tient à l’affirmation commune de ses membres d’un absolu relatif. «L’Eglise pluraliste est composée de celles et ceux qui se réclament librement et responsablement de l’Evangile en s’acceptant différents dans l’interprétation qu’ils en donnent». L’Eglise serait-elle alors 'un ventre mou' ouverte à tous vents de doctrine ? Certes pas. « Cette Eglise n’est pas une réalité informe, un salmigondis, un magma : elle est faite de gens parfaitement conscients de ce qu’ils pensent et qui le pensent fortement, de gens qui croient –osons le dire – qu’ils ont raison et même absolument [en italique dans le texte] raison, mais qui le croient dans l’humour à leur propre endroit, sans se prendre (...) pour le bon Dieu, sans intenter de procès en hérésie ». Le pluralisme est une manière d’être, une attitude spirituelle et intellectuelle qui donne à l’Eglise une colonne vertébrale solide.
Mais alors, serait-on libre de penser ce qu’on veut, c’est à dire tout et n’importe quoi? N’y a- t-il pas des limites à l’interprétation des textes bibliques et aux diverses options théologiques ? Les auteurs du texte ont bien vu ce danger d’une Eglise « fourre-tout » et sans consistance théologique. Dans une deuxième partie, ils proposent donc ce qu’ils considèrent être «les noyaux possibles de l’Evangile aujourd’hui». Je n’entre pas dans le détail, car ce qui m’intéresse ici, c’esla méthode plus que le contenu. Avant de développer chacun des « noyaux », le texte précise ceci : « Chacune des réponses avancées ici représente une approximation personnelle, fragmentaire et provisoire. Aucune ne prétend dire tout, mais chacune tente une formulation contemporaine et risquée où soit exprimé l’essentiel de l’Evangile »J’ajoute que ce travail peut très bien se faire collectivement. C’est bien ce qui est entrain de se vivre autour de la proposition de base de notre future Déclaration de foi.
Notre Eglise assume donc depuis longtemps son pluralisme. La diversité et les différences en sont l’essence. D’ailleurs, dans une Eglise où les croyants se reconnaissent frères et sœurs en Christ, il ne saurait en être autrement. Tout simplement parce que la fraternité est polyphonique.
4.2 Une fraternité, une polyphonie....
Le professeur Raphaël Picon, récemment décédé, a développé cette idée dans un des derniers articles qu’il a écrit pour le colloque «Protestantisme et vie monastique» qui s’est tenu en juille2015. Il développe l’idée que la fraternité ne va pas de soi. Il note que les histoires de frères dans la Bible sont souvent douloureuses : Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Joseph et ses frères. C’est que le frère (ou la sœur) induit la comparaison. Il me renvoie ma propre image ; par effet de miroir, il me montre ce que je suis, ce que je voudrais être et que je ne suis pas. En côtoyant mon frère ou ma sœur, je vois ce qu’il/elle possède et que je n’ai pas. La fraternité engendre jalousie, esprit de conquête, dénigrement de soi ou de l’autre. Comment alors faire triompher la fraternité ? R. Picon écrit : « On y parviendra peut-être en assumant que la fraternité n’est pas l’unicité d’une voix, elle n’est pas non plus celle de l’unicité d’une foi. Elle est polyphonique marquée par des dissonances, des discordances. La fraternité, c’est le désir d’une fraternité malgré tout, une fraternité qui fait des discordances une série d’accord originaux » 7.
R Picon, « La communauté monastique comme parabole de la vie fraternelle » in Protestantisme et vie monastique, p.168 Ed. Olivétan, 2015.
Il faut donc, poursuit Raphaël «faire avec» le conflit inhérent à la fraternité. « C’est ce «faire avec», ce conflit, qui me semble au cœur de l’ecclésiologie protestante. (...) Si l’Eglise naît de l’Evangile proclamé, elle est portée par une pluralité d’interprétations de ce même Evangile. Et je n’entends pas seulement les évangiles comme textes: on sait combien le Nouveau Testament autorise cette pluralité en l’inscrivant en son sein, telle une ruse anti canonique à l’intérieur du canon. Je veux parler d’Evangile, comme Bonne nouvelle, comme Salut, comme Christ », qui demeure « un objet théologique aux multiples interprétation.
Et il conclut : « Cette condition herméneutique de l’Eglise est ce qui empêche la communauté fraternelle de devenir une communauté sectaire. La fraternité, en tant qu’elle fait avec le conflit, en tant qu’elle assume la condition précaire liée à cette même pluralité d’interprétations, est marquée du sceau du dissemblable. Et cela, c’est l’Eglise » 8. Cette polyphonie, nous la retrouvons dans la Bible.
4.3 ... Que l’on retrouve dans la Bible
Je ne vous apprends rien en rappelant que la Bible est composée de textes d’origine, de styles, de contenu très divers. La Bible est une bibliothèque de 66 livres (39+27) dans lesquels on trouve des récits historiques et mythologiques, des poèmes, des textes de lois, des Evangiles, des lettres, des prophéties. Diverses opinions théologiques s’y côtoient. Dans l’Ancien Testament, le peuple d’Israël est tantôt accueillant aux autres peuples, dans une logique universaliste; tantôt replié sur lui, dans une logique nationaliste. Sur le plan des relations homme-femme, on trouve une approche qui valorise l’homme et la femme à égalité dans le couple, chargé de croître et de multiplier (Gn 1, 28) et une approche qui fait de la femme un être de second ordre dépendant de l’homme (Gn 2.15-22). Le Nouveau Testament présente différentes images du Christ Jésus. Un Christ faible et muet qui marche vers la mort comme un mouton va à l’abattoir, anéanti sur la croix, selon Marc. Un Christ qui vit sa mort « debout », déjà vainqueur sur la croix, selon Jean. Un Christ qui s’offre en sacrifice sanglant, selon la lettre aux Hébreux. Nous n’avons pas à choisir entre tous ces textes, même s’il est légitime d’en préférer certains. Chacun d’entre eux offre une porte d’entrée dans la foi et dans le mystère de Dieu. La Bible offre donc une belle diversité, une véritable polyphonie. Cette polyphonie des textes, comment l’interpréter ? J’ouvre ici un chapitre sur l’autorité des Ecritures et leur interprétation
.
4.4 Interpréter, c’est faire vivre la Parole
Les protestants se réclament unanimement du « Sola scriptura » des Réformateurs, « l’Ecriture seule», l’Ecriture comme seule autorité pour toutes les questions relatives à la foi et à la vie chrétienne. Cela signifie que tout lecteur croyant peut s’y référer sans médiation, contrairement à la position de l’Eglise catholique de l’époque qui affirmait qu’elle seule pouvait définir le sens exact et la bonne interprétation de la Bible. Le principe du « Sola scriptura » était au 16ème siècle une manière pour les Réformateurs d’affirmer la prééminence de la Bible sur la tradition et sur les autorités de l’Eglise catholique. Le Sola scriptura n’a donc jamais signifié qu’il suffisait de s’en tenir à la lettre des Ecritures. Dès lors, il peut et il doit y avoir de vrais débats sur l’exégèse et l’interprétation des textes, sur la manière dont nous les confrontons à nos savoirs, à nos expériences, à notre actualité.
Le synode national de Chantilly, en 1986, a traité cette question. Le sujet synodal était ainsi libellé : «Notre référence à la Bible : Comment ? Pourquoi ? ». La décision 35 débute par ces mots : « Les problèmes culturels, éthiques, et politiques de notre société appellent nos prises de positions et nos engagements. Comment s’exerce alors pour nous l’autorité de la Bible ? » 9.
 
Le texte pointe deux écueils : l’abus de citations bibliques et l’oubli d’une vérification par la Bible de la conformité de nos décisions à ce que percevons comme la volonté de Dieu. Le texte poursuit en affirmant que « nous pouvons prendre le risque d’inventer des formes de témoignage et d’action qui nous paraissent conforme à notre fidélité de chrétiens sans chercher de citation particulière dans la Bible ».
Ibid.
Actes du Synode national 1986, p. 57-60.
J’entends là un écho direct au choix fait par les rapporteurs au Synode du Lazaret de ne pas multiplier les références bibliques dans leur rapport et dans la décision (ce qu’ils expliquent dans leur rapport au Synode national, en précisant qu’un gros travail biblique a été fait en amont par les Eglises locales) 10
Le texte voté à Chantilly poursuit : « Dans la pratique, se référer aux Ecritures signifie confronter nos convictions et nos comportements au message qui s’exprime dans la Bible (...) Il est légitime, devant toute question engageant la foi, de chercher un éclairage biblique ; encore faut-il prendre en compte l’ensemble des témoignages : sur bien des points, le corps des textes « canoniques » présente des affirmations différentes, voire contradictoires (...) ou des formulations ambiguës. Ces difficultés nous conduisent à reconnaître la nécessité d’une démarche d’interprétation, à en accepter le caractère relatif, et par là à nous interdire tout dogmatisme ».
Le texte justifie la démarche d’actualisation comme inhérente à l’acte de lecture. « Le lecteur n’est pas un récepteur passif, il élabore aussi le sens des textes bibliques en fonction de ses expériences, de sa sensibilité, de sa culture, de grilles de lectures issues de sa formation particulière. Il faut renoncer à l’idée qu’il y aurait une seule lecture légitime, exhaustive et définitive ». Pour autant, toute lecture n’est pas acceptable, « il y a des lectures aberrantes qu’un rigoureux respect des textes interdit ».
La décision du Synode de Chantilly se conclut par plusieurs recommandations, notamment à ceux qui s’expriment publiquement comme témoins de l’Evangile.
« Nous recommandons audace et prudence, conviction et tolérance. Audace et conviction pour actualiser librement le message biblique ; prudence et tolérance pour ne pas présenter leur prise de position comme la seule possible ». J’entends ici en écho le texte de la décision controversée du synode du Lazaret : « [Le Synode] ouvre la possibilité, pour celles et ceux qui y voient une juste façon de témoigner de l’Evangile, de pratiquer une bénédiction liturgique des couples de même sexe qui veulent placer leur alliance devant Dieu ».
Encore un mot sur le rapport à la Bible. On entend parfois dire que la Bible est la Parole de Dieu, et même la parole écrite de Dieu. Il faut contester cette affirmation. Nos synodes ont largement débattus de cette question. A Chantilly en 1986 bien sûr, mais aussi en 1969 à Avignon, où le Synode national a reçu un rapport connu sous le nom de « Thèses de Lyon » portant sur les Ecritures, le baptême et la Cène du Seigneur. 11 Celui-ci insiste sur le fait que la Parole de Dieatteint l’être humain à travers le témoignage biblique. Les textes relayent la Parole que Dieu nous adresse. La Bible est comme un écrin– parfois une gangue - au creux duquel se niche la Parole.
Le Synode de Chantilly affirme : « Nous ne pouvons ni identifier ni dissocier texte écrit et « Parole de Dieu ». On ne saurait confondre le témoin et ce dont il témoigne ».
Pour découvrir la parole de Dieu qui se cache sous les mots du texte, que nous croyons inspirés par l’Esprit, le lecteur doit à son tour demander par la prière que le Saint Esprit l’inspire. Calvin affirme que la Bible ne devient parole de Dieu que sous l’action du Saint Esprit. Il reconnaît ainsi que le texte biblique est un texthumain, lié à une culture et à une histoire. C’est pour cela qu’au cours du culte, l’on prie avant de lire la Bible, et que l’on appelle cette prière « Prière d’illumination ». Le lecteur et l’auditeur ont besoin d’être illuminés pour lire et entendre la Parole de Dieu contenue dans les textes.
Pour terminer sur ce point, il ne faut jamais oublier que pour les chrétiens, la parole de Dieu a un nom et un visage : celui du Christ. En lui, tout est dit. C’est lui le Seigneur et les Ecritures sont à son service car elles nous permettent de le connaître.
10 Actes du Synode national 2015, p.526. Ce rapport a été préparé par la commission d’études et de recherches théologiques de la FPF « chargée d’examiner les questions doctrinales qui ont divisé nos Eglises dans le passé ». Actes du Synode national 1969, p. 204.
 
5. L’unité dans la diversité réconciliée
Nous arrivons bientôt au terme du parcours. Après l’étape « Communion et fraternité », après l’étape «Diversité et pluralisme », nous arrivons à l’étape que j’intitule « Unité dans la diversité». Je vous renvoie ici encore une fois au message de Laurent Schlumberger au Synode du Lazaret.
5.1 La diversité, un risque et une chance
« Il est incontestable que la diversité présente des risques pour la communion fraternelle. Il y a le risque de faire de la diversité une simple coexistence, une tolérance molle. Il y a le risque inverse de faire de la diversité un argument pour imposer ses propres choix (...) Mais si la diversité présente des risques pour la communion fraternelle (...), elle est aussi une formidable chance (...)
La diversité de notre Eglise procède d’une conviction fondamentale : la vérité, c’est Jésus-Christ. Et non pas une formulation doctrinale. Ni une option éthique. C’est cette conviction qui transparaît dans nos principes constitutionnels, selon lesquels notre Eglise se considère comme «un des visages de l’unique Eglise du Christ », selon lesquels elle entend «maintenir la pluralité vivante des formes de la prédication, de la vie cultuelle et ecclésiale, et de l’activité diaconale et sociale», selon lesquels elle accueille ses membres sur la seule confession que « Jésus-Christ est le Seigneur ». Cette diversité réconciliée, c’est le modèle d’unité que nous avons choisi, qui est exprimé dans la Concorde de Leuenberg [signée en 1973 par la plupart des Eglises protestantes européennes] et qui est le moteur de la création de l’Eglise protestante unie de France.
C’est un choix exigeant. Diversité réconciliée ne signifie pas diversité juxtaposée. La réconciliationsuppose de s’exposer à l’autre, pour par lui s’exposer au Christ. Car c’est en Christ que nous sommes réconciliés. C’est donc aller au-delà des positions et des arguments, avec lesquels on est d’accord ou pas, pour entendre la personne ; et dans la personne, discerner une sœur, un frère qui m’est donné. Ce n’est pas parce que nous sommes d’accord que nous sommes frères ; ce n’est pas parce que nous sommes frères que nous devons être d’accord sur tout. Mais parce que nous sommes frères, nous pouvons vivre devant Dieu, notre Père, avec nos accords et nos désaccords » 12
. Comment vivre cette conviction au quotidien, dans nos Eglises, dans nos conseils presbytéraux ? En pratiquant la soumission mutuelle.
5.2 Pour cultiver la communion dans la diversité : la soumission mutuelle
Peut-être certains d’entre vous étaient présents lors d’une précédente journée de formation en septembre 2013, où j’étais intervenu sur la question du lien entre l’Eglise locale, la région, l’unionationale. J’avais relu les engagements que les conseils presbytéraux (et les conseils régionaux et national) prennent au moment de la reconnaissance liturgique de leur ministère collégial. Et je me souviens du débat animé lorsqu’est venu la question de la « soumission mutuelle »
(« Dans la soumission mutuelle, vous travaillerez fraternellement avec tous ceux qui ont part à l’œuvre du Seigneur »).
J’ai donc eu envie de poursuivre la réflexion et je partage avec vous là où j’en suis. La soumission mutuelle est une des attitudes les plus originales que l’Evangile nous appelle à vivre dans l’Eglise. L’expression est tirée de la lettre aux Ephésiens :« Soumettez-vous les uns aux autres comme vous l’êtes à Christ » (5, 21). Elle est souvent comprise comme « se mettre sous » : sous l’autorité d’un supérieur, d’un chef, d’un évêque. Elle évoque autoritarisme et domination. Elle impliquerait d’abandonner ses convictions, son jugement, son sens critique. Elle serait presque synonyme d’obéissance aveugle. Elle signifierait « s’écraser » devant plus puissant que soi. Cela ne plait pas beaucoup aux protestants que nous sommes !
 
12 Laurent Schlumberger, message au Synode du Lazaret, Actes du Synode national 2015, p.141.
Quant à moi, je comprends la soumission mutuelle comme « mettre dessous » ses propres opinions, ses propres idées, sa propre personne. C’est une manière de prendre du recul par rapport à soi-même, de ne pas se mettre au centre, de ne pas prendre toute la place dans un groupe, dans une conversation. C’est reconnaître que je ne détiens pas la vérité à moi tout seul, et que même si j’ai raison, cela ne signifie pas forcément que l’autre a tort (cf. SN 1971 !). Le philosophe Jean-Bertrand Pontalis dit ceci : « Chercher à avoir raison, c’est vouloir avoir raison de l’autre, c’est l’arraisonner » (interview parue dans Télérama, 29.08.09). Se soumettre mutuellement, c’est admettre que l’on a intérêt à soumettre son opinion à l’autre pour avoir son avis et en débattre. C’est affirmer que l’on peut s’appuyer les uns sur les autres.
« Se soumettre mutuellement » serait alors se mettre à l’écoute les uns des autres. Ecouter la parole de l’autre, l’écouter vraiment sans d’abord chercher à convaincre, sans préparer à tout bout de champ mes propres arguments. Ecouter vraiment, c’est prendre le temps de comprendre d’où vient la parole qui m’est adressée. C’est se mettre en position de changer d’avis, en capacité d’évoluer. C’est se préparer à accepter des compromis pour aller vers un consensus.
Je pense ici à ces paroles magnifiques du patriarche Athénagoras : « Il faut mener la guerre la plus dure qui est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer. J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible. Mais je suis désarmé. (...) Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes (...) J’accueille et je partage. Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets. Si l’on m’en présente de meilleurs, ou plutôt non, pas meilleurs, mais bons, j’accepte sans regrets. J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, vrai, réel, est toujours pour moi le meilleur».
La soumission mutuelle est au fond une forme d’humilité au sens où l’entend l’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens : « Ne faites rien par esprit de rivalité ou par désir inutile de briller, mais, avec humilité considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes (...) Comportez-vous entrevous comme on le fait quand on connaît Jésus-Christ»(2, 3 et 5).
Car la soumission mutuelle est avant tout soumission au Maître qui s’est fait serviiteur, Jésus-Christ. C’est une démarche aussi bien spirituelle qu’intellectuelle. Accepter de se soumettre les uns aux autres, ce n’est pas seulement faire le choix d’être gentil et répéter que nous sommes tous égaux et que chacun a le droit de parler. Affirmer la soumission mutuelle, c’est traduire en actes la conscience d’être membres d’un même corps et vivre l’interdépendance.
Ce que je suis, je n’ai pas à y renoncer. Mais je dois m’interroger : en quoi ce que je suis, ce que je dis, ce que je fais me met au service de l’autre ? En quoi ce que je suis, ce que je dis, ce que je fais permet de « faire communauté » ?
Comment être une communauté au sein de chaque Eglise locale comme entre les Eglises et non une juxtaposition d’individus ? La soumission mutuelle ne serait-elle pas alors le fondement même de la communion ? De la koinônia comme dirait Paul ?
Conclusion
Pour conclure, je relis le paragraphe 3.3 de la décision de Sète :
« La communion fraternelle se construit en particulier dans la lecture partagée des textes bibliques. La diversité de nos interprétations nourrit et enrichit notre foi quand celles-ci se fondent sur la conviction commune que Jésus-Christ est le Seigneur ». Ici et dans bien d’autres passages de la décision, le Synode affirme qu’il y a dans notre Eglise « des différences », des « pratiques différenciées », des « positions diverses », des « points de vue divers» quant à la compréhension de la bénédiction, à l’interprétation des Ecritures, à la bénédiction des couples de même sexe. Et si les délégués synodaux ont voté à une si surprenante majorité, alors que nombre d’entre eux n’étaient personnellement pas d’accord avec la bénédiction des couples de même sexe, c’est justement parce que la diversité des points de vue était massivement affirmée.
Les délégués synodaux ont donc quasi-unanimement été d’accord pour dire qu’ils n’étaient pas d’accord sur tout, que c’était légitime et possible dans notre Eglise. Le Synode a ainsi exprimé une volonté confiante de vivre en Eglise une vraie diversité dans une vraie unité, de vrais désaccords dans une vraie fraternité, un vrai pluralisme dans une vraie communion.
Didier Crouzet, avril 2016.  
L'Église primitive était-elle parfaite ? Voir Biblique.fr 

Journée de rencontre des conseillers presbytéraux 9 avril 2016 

ATELIER  LA DIMENSION  SPIRITUELLE DU CONSEIL PRESYTERAL

avec le pasteur Jean-Charles Tenreiro

Deux textes de référence :

Constitution de l’Eglise unie

liturgie de reconnaissance du ministère du conseil presbytéral


Clarifier :

Mission , rôle , fonction du conseil , du conseiller

Mission : ensemble des orientations et des finalités

Rôle : ensemble organisé des comportements

Fonction : ensemble des tâches et activités

Comment dire, pour quelqu’un « d’extérieur «  ce qu’est un conseil presbytéral, un conseiller ?

 

Une conviction et une question :

-       Le Cp est un lieu de collégialité et de solidarité

-       Comment se vit le socle indispensable de la cohésion spirituelle ?

Bible :

            - Première épitre aux Corinthiens. Chapitre 12

                        « les dons de l’esprit », diversité des membres et unité du corps.

« il y a diversité de dons de la grâce mais c’est le même esprit….si un membre souffre , tous les                                     membres partagent sa souffrance ».

            - Première épitre aux Corinthiens Chap 13

            Ephésiens 4,16

Idées fortes :

-       penser et vivre le CP avant tout comme, plus que tout autre moment de la vie de l’Eglise,  le temps ou s’éprouve (et se prouve)  la fidélité au Seigneur

-       créer du lien

-       particularité articulation ministère collégial/ministère personnel du pasteur

-       Notre Père : apaisement et pacification

-       Mise à distance nécessaire et indispensable

Réalisation

-       retraite CP

-       Accompagnement des temps de l’Eglise

-       Se dire comme conseiller

-       Construire la fraternité

-       Conseiller : accompagnateur de culte

            -     moment spi au CP :

                        - quand ?

                        - comment ?

                        - qui fait quoi ?

Pistes à explorer

-       qu’est ce que j’attends de cette facette de la vie du Conseil ?

-       qu’est ce que je peux apporter ?

-       Dire l’Evangile, édifier, relier (Témoigner)

-       comment  se vit la diversité ?

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